Tunisie : prosélytisme en taxi !

Non, je n’étais pas étonné outre mesure après avoir entendu cette dame ulcérée me raconter sa « mésaventure ». Ni surpris, par ailleurs, tellement notre révolution nous a révélé à nous-mêmes et étalé aux yeux de tous nos torts et travers.

Tant elle a mis au jour une catégorie insoupçonnable de pseudo-érudits, de redresseurs de torts, tenants d’idées reçues et bien arrêtées sur les questions qui touchent à l’homme tunisien et à ses préoccupations. Religieuses notamment ! Des idées s’apparentant à de folles élucubrations nées dans des têtes chafouines mais qui, pour leurs auteurs, constituent la quintessence du savoir et de la connaissance et auxquelles l’on doit impérativement se soumettre, pour la « réalisation d’un monde meilleur ».
Ces porteurs d’une nouvelle culture, pour paraphraser qui vous savez, se sentent un devoir de divulguer en toutes circonstances leurs logomachies, souvent aidés par une faconde où se mêle un soupçon de vulgarité, voire d’agressivité. Cette engeance, on la trouve partout, pérorant ses convictions et ses dogmes. Dans les mosquées, considérées comme l’endroit idéal pour décréter d’autorité commandements et directives. Dans les endroits publics, un petit coin de rue, les moyens de transport en commun…
Et c’est précisément dans un taxi que la mésaventure que je vous rapporte s’est déroulée.
Une dame et sa petite fille hèlent un taxi, conduit par un individu que la dame décrit sale, hirsute, à la tenue débraillée. Freinage brutal au milieu de la circulation et de la chaussée, passage de vitesse avec la main gauche, la droite tenant le portable dans lequel Il « gueulait » pour couvrir le son assourdissant de sa radio. Puis démarrage à l’américaine. La petite, assurément impressionnée, annonce à sa mère qu’elle aimerait tant conduire une voiture. « Quand tu seras grande, ma chérie, lui dit-elle. Tu étudieras, travailleras, achèteras une auto que tu conduiras ». -Quelle bêtise, est-ce là ?, aboie le chauffard qui s’est avéré être un disciple de ces sombres barbus du Golfe dont les «idées »aussi saugrenues qu’horripilantes nous parviennent par flots, relayées par un Bahri Jelassi et de tristes individus de son acabit. Et péremptoirement, il assène à la dame interloquée : « Quand elle atteindra ses quatorze ans, elle quittera l’école. Tu la marieras et elle s’occupera de ses gosses. Ni voiture, ni conduite, wa la homyahzanoune ! ».
Combien de ces quidams, profitant de leurs situations et de leurs relations avec le citoyen, pratiquent leurs actes de prosélytisme, de provocation et de propagande, pourtant interdits par la loi ? Un moyen de transport est en réalité un lieu sécurisé, où le passager doit se sentir protégé par le chauffeur lui-même. Contre toutes sortes de dangers potentiels. Cette dame et sa petite ont été quittes pour une grande peur. Des dizaines de hurluberlus écument aujourd’hui tous les lieux et agressant les gens sans égard. Ils continuent à penser qu’ils vont changer le monde, du moins le mode de vie de leurs concitoyens, qu’ils considèrent comme des mécréants. Ils sont enhardis dans leur démarche par l’indifférence des autorités en matière de contrôle routier, les moyens de transport en commun devant être soumis à des critères d’une rigueur extrême, dont le choix du chauffeur n’est pas des moindres.

M. BELLAKHAL