Tunisie-Chronique culturelle : ces enfants et jeunes qui nous montrent la voie

Hier, j’ai assisté à deux spectacles. Je ne les regrette pas. Ces spectacles que l’on prépare pour les fêtes de fin d’année scolaire et qui mettent à contribution les efforts physiques et intellectuels des enseignants, les tout petits budgets des établissements et l’émulation de nos « mioches », dans l’acception affective du terme, évidemment.

Ces manifestations d’écoles, agréées par les autorités de tutelle, sans qu’elles y soient engagées de quelque manière que ce soit, sont devenues une tradition qui couronne une année de dur labeur. Et chaque école y va de sa fête, appréciée à l’aune des moyens matériels mis en œuvre et de l’imagination de l’enseignant qui la conçoit et la met en œuvre.
Le premier spectacle a été donné par les enfants de l’école des « Sœurs » de Bizerte. J’y suis allé parce que, différemment des autres écoles, la maîtresse m’y a invité. On y a présenté un spectacle adapté du roman de Saint Exupéry « le Petit Prince ». La surprise fut à la hauteur de la prestation de ces dizaines de petits comédiens en herbe lesquels, face à une assistance nombreuse faite en majorité de…mamans, nous ont émerveillés. Par leur aisance, par leur enthousiasme, leur élan et leur vitalité. Mais surtout leur adhésion, consciente peu ou prou, aux valeurs véhiculées par ce conte poétique et philosophique présenté sous l’apparence d’un conte pour enfants. Mme Saïda Ouerghemi, leur maîtresse, a su pénétrer le sens profond de l’œuvre, et servie par un langage destiné à être compris par les enfants, elle a su mettre en évidence la perplexité du petit prince face au comportement absurde des « grandes personnes ».
Le second spectacle, auquel j’ai été également invité, est celui de Neïla Ben Harbi, une increvable du théâtre. Scolaire particulièrement. Cette dame qui est à la retraite mais qui ne veut absolument pas décrocher, tellement elle est possédée par les démons de la scène, nous a rameuté sa troupe des « fous de la scène », c’est le nom qu’elle a donné à son groupe de jeunes comédiens, puisés dans les effectifs des collèges et lycées de Bizerte.
Mme Ben Harbi s’enorgueillit d’avoir inoculé à ses « enfants », sans espoir de guérison, le virus salutaire et généreux du quatrième art. La troupe composée d’une dizaine de jeunes filles et de jeunes garçons est autrement plus aguerrie, ayant foulé les scènes depuis des années. Pour autant, elle a paru mieux exercée, en tout cas plus inspirée. L’œuvre présentée sur la scène de la maison de la culture Cheikh Driss de Bizerte, est une reprise d’une pièce adaptée de l’œuvre de Victor Hugo, « le dernier jour d’un condamné ». Revue et corrigée par la même Ben Harbi. Œuvre réquisitoire contre la peine de mort, sujet d’une bien brûlante actualité, la pièce y est revisitée puisque à la place et lieu d’un « condamné à mort », la réalisatrice a choisi de relater les angoisses et les souvenirs de différentes vies, « les vies d’avant » d’une chambrée de condamnés à mort. Elle faisait, ainsi, mettre en exergue le caractère universel de cette peine décriée par certains, prônée par d’autres.
En multipliant et en perpétuant de telles initiatives, certaines enseignantes (remarquez l’absence exaspérante de la gent masculine) sèment les germes pour des talents futurs. Elles n’en sont que plus louables et méritantes. Il devra bien en rester quelque chose !

M. BELLAKHAL