Tunisie : messieurs les politiciens, vous parlez, agissez maintenant !
La soirée du jeudi 18 octobre a été pour au moins quatre de nos chaînes de télévision l’occasion de nous servir des débats sur « des questions de l’heure », « des dossiers brûlants » censés nous informer et nous édifier sur la position de nos politiciens à propos de questions dont, on nous dit, dépendrait notre avenir, celui du pays et des générations à venir.
L’occasion était d’autant plus favorable que nos forces politiques se trouvaient engagés dans un « dialogue national » destiné à mettre tout le monde autour d’une table afin de « sortir le pays de l’ornière ». Sur les plateaux, des figures trop familières : El Mekki, Mansar, Jaziri du côté de la troïka ; Jribi, Ayari, B. M’Barek du côté de l’opposition et de l’UGTT. Rien que des habitués des plateaux, beaux parleurs, passés maîtres de la rhétorique politicienne. Le sujet ? Décisif, nous assure-t-on, car notre existence en dépend. Mais surtout que l’on nous promet, avec beaucoup d’aplomb, l’annonce de décisions d’une importance extrême et que l’on sortira de là convaincus et totalement rassurés. Alors à quoi pensez-vous que nous avons été soumis des heures durant ? Aux mêmes rengaines d’antan, aux mêmes griefs adressés par les uns et par les autres aux uns et aux autres, sur des tons agressifs et accusateurs. Chacun donne l’impression d’être sur le qui-vive, sur la défensive, prêt à dégainer et à en découdre avec un vis-à-vis venu le piéger. Les accusations fusent tous azimuts, les argumentations sont accueillies par des sourires goguenards, des gestes sous-entendus, des réparties qui frisent l’insolence. La violence politique est latente, elle est tout aussi patente, bien à l’image de ce qui se passe sous la coupole de l’ANC et elle est surtout transposable sur la scène publique où elle prend des aspects tragiques et, hélas, banalisés. Et qu’en est-il des questions sensibles pour lesquelles on a pris la peine de se déplacer ? C’est le statu quo ante. Les discutailleurs n’en ont cure, en fait. Ils ont été dépêchés pour débiter leurs boniments à un public devenu blasé et sceptique, de plus en plus convaincu de l’inanité des propos tenus sur des sujets qui pourtant le tourmentent. Des paroles, rien que des paroles parfois empreinte d’ésotérisme politicien d’où peut ressortir une certitude : on ne veut pas que l’on comprenne. D’ailleurs, est-on en mesure de nous expliquer ? Pour cela il aurait fallu que nos bonimenteurs soient maîtres de leur sujet, ce qui n’est pas souvent le cas. Ainsi, en est-il de la ministre de l’environnement, invitée pour « débattre » de questions environnementales dont le fameux gaz de schiste. Mme. la ministre nous a plongés dans une profonde affliction en faisant la preuve d’une grande ignorance des dossiers à sa charge et en reconnaissant un manque total de coordination avec ses pairs. La principale vertu de la ministre nous est soudain apparue quand elle a nous a assurés qu’elle « connaît parfaitement ce dont elle parle ». Encore des paroles !
Le peuple se trouve gavé de paroles creuses, accablé d’explications contradictoires. Il aspire à un changement dans sa vie quotidienne, il appelle de ses vœux à une entente entre les cabotins politiques qui veillent sur sa destinée, le plus tôt serait le mieux, car à chaque instant il pourrait mettre une limite à sa patience et les conséquences pourraient être fâcheuses.
Mesdames, messieurs les politiciens* ! Vous parlez ? On est fort aise, alors, agissez maintenant !
M. BELLAKHAL
* politicien : quelqu’un qui vit de ses fonctions politiques et fait preuve d’une grande habileté dans les intrigues de la vie politique.